Le mot du fondateur (novembre 2020)

La saison 2019/2020 avait bien débuté, accompagnée de souvenirs rapportés d’un bel été de vacances, et pour certains d’entre nous, accompagnée de ceux des plaisirs de la pratique estivale de nos Arts, y compris même de celle du Kendo.

La pratique dans nos dojos nous offre le plaisir de l’échange technique, physique et mental avec nos partenaires, ainsi que celui de la convivialité qui nous unit dans ces moments-là.
L’ensemble nous apporte ce lien social, source d’harmonie et de paix, tellement vital à l’espèce humaine.

Mais voilà ! Déjà en mars 2020 tout avait basculé dans les conséquences d’une terrible agression, de l’invisible et de l’impalpable, perpétrée par le virus la « Covid 19 ».

A propos de ce virus et de ses conséquences dans la vie de tous et de tous les jours, vous trouverez dans les pages de la présente Lettre (ndlr : lettre du CERA n°42) un propos médical de très haute qualité, rédigé par Docteur Ludovic Strozyk, enseignant d’Aïkibudo et médecin du Comité Fédéral Aïkibudo FFAAA.
Son propos nous éclaire sur bien des points et rappelle les mesures de sécurité sanitaire qu’il convient, dans le respect de la santé de chacun, d’appliquer avec rigueur mais aussi avec discernement.

Ces gestes barrières et cette distance de sécurité sont des valeurs fondamentales de l’Aïkibudo. En effet, on peut associer les premiers à «zenshin» (la vigilance en toute circonstance) et la seconde à «ma» (espace de sécurité) associé au zenshin, qui induit dans le cas de ce virus et par prévention, la préservation de notre espace vital, et donc de notre intégrité physique. Le danger n’est pas le virus mais son porteur «l’Humain».

Dans son éditorial le Président Jean-Marc Papadacci vous présente le contenu de ce numéro de la Lettre du CERA (ndlr : lettre du CERA n°42). Je m’associe à lui pour remercier tous les auteurs qui ont contribué à son élaboration et à son enrichissement.

Mes pensées vont aussi vers nos amis disparus cette année. Ces disparitions m’attristent profondément, et je partage la douleur de leurs proches et de leurs amis.
Des nouvelles réjouissantes aussi, comme la validation du grade de 8ème dan d’Alain Roinel ainsi que la médaille d’or de Paul-Patrick Harmant ; je leur adresse avec grand plaisir et toute mon amitié, toutes mes félicitations !

En cette fin d’année, période traditionnelle de voeux, je souhaite que ce douloureux moment d’inquiétude sanitaire se termine, et que nous puissions commencer à vivre normalement une année de pratique dans le plaisir que nous offrent nos Arts !

Les enfants et l’Aïkibudo

« L’Aïkibudo est une école de vie dont le contenu est de nature à participer à l’édification d’un adulte apte à s’adapter au monde dans lequel l’enfant devra vivre. La pratique de notre art requiert de la persévérance, de la remise en question, de la discipline. Il enseigne le partage, le respect, l’acceptation de l’autre. » : ainsi s’exprimait Maître Alain Floquet en parlant des vertus éducatives de l’Aïkibudo.*

démonstration enfants au Maroc

Notre art, tout comme l’Aïkido ou le Kinomichi, demande en effet beaucoup de travail et d’opiniâtreté, ce qui est de nature à participer à la formation d’un enfant. L’Aïkibudo est une école de vie, dans laquelle les enfants trouvent le goût de l’effort, de l’humilité, dans des séquences où le partenaire participe à sa propre progression. Le partage et le respect de l’autre sont indispensables pour franchir les étapes. C’est en cela que l’Aïkibudo concourt à la formation d’un être tolérant, respectueux et disponible.

À l’inverse, les enfants nous renvoient par leurs émotions, leur joie et leur fierté de pratiquer, un immense bonheur. Animer un cours enfant est pour le professeur une tâche loin d’être évidente. Tous les professeurs de cours enfants ont en commun des qualités de patience, de bienveillance et de tolérance. Il faut à la fois allier les mêmes règles strictes du Reijiki que celles des adultes et en même temps laisser l’aspect ludique de la pratique pouvoir s’exprimer pleinement.

Le salut installe le calme et la concentration. L’échauffement peut très bien être le même que celui des adultes, en insistant sur les exercices de coordination et de latéralisation, mais en excluant les activités de musculation, abdominaux ou tractions.

Vient ensuite l’apprentissage des techniques, c’est un moment très attendu ! La douceur et la souplesse sont ici de rigueur. La mission pédagogique du professeur est déterminante, car les capacités de reproduction sont souvent limitées. En décomposant phase par phase, l’enfant peut ainsi évoluer aisément de l’attaque à la chute en étant toujours fortement encadré et dirigé.

En fin de cours, des katas historiques, comme Happoken kata ou Tsuki Uchi no kata, trouvent parfaitement leur place.

Les enfants ont besoin d’être valorisés et encouragés, aussi n’oublions pas de créer des situations de démonstrations, au cours desquelles le professeur insistera, par des félicitations, sur les aspects positifs de la prestation.

« Pour un enseignant, il n’est d’égal bonheur que celui d’un enfant qui, venant à sa rencontre, s’avance, hésitant, tenant dans sa main un papier plié, une enveloppe ou encore un petit paquet, que l’enfant lui tend timidement. Les yeux grands ouverts, l’enfant voir jaillir sur le visage de son professeur un éclair de bonheur à l’instant où il ouvre le présent. Ce regard innocent est, à cet instant, de joie et de fierté. Son ÊTRE déborde d’intenses émotions, celle d’exister, celle d’échanger de la reconnaissance, celle de produire de l’affection, d’être reconnu. Il EST. »*

Nous avons la chance d’avoir en France et à travers le monde un grand nombre de clubs enfants, où, sous l’initiative de professeurs dynamiques, investis et créatifs, stages et démonstrations sont souvent proposés au cours de la saison. La joie, les rires, la gaité qui émanent d’un dojo sont des moments d’intense bonheur, sachant que tout cela est toujours accompagné du plus grand sérieux et de la meilleure application.

À l’issue d’un stage enfant, notre ami Dominique Blanc-Pain** déclarait : « Le sourire qui illumine leur visage est le plus beau des remerciements, la plus belle récompense ! ».

Ces enfants représentent notre avenir, et le devoir des Yudansha est d’assurer la transmission de notre art ; transmission technique bien sûr, mais aussi historique et éthique ! Nos valeurs de partage et de fraternité doivent participer à l’édification d’un monde meilleur et d’un monde en Paix.

Pour aller plus loin, nous avons à la disposition des professeurs un recueil de jeux à proposer lors d’une séance d’entraînement. Ce livret élaboré par Daniel Bensimhon, Président de la commission enfant, se décompose en quatre catégories : jeux de coopération, d’opposition, de combat et de relaxation.

De plus, le programme de référence : « Progression technique pour enfants », élaboré par Maître Floquet, permet de conduire les enfants (comme les jeunes débutants) du 6ème au 1er kyu.

*Lettre du CERA n° 34

**Dominique Blanc-Pain, organisateur et animateur de stages enfants en Île-de-France, disparu en 2019.

Maître A.FLOQUET 9ème Dan Aïkibudo

A l’issue de l’assemblée générale de l’AIKIBUDO qui s’est tenue le samedi 12 octobre 2019 après – midi, Francisco DIAS, président de la FFAAA, a remis le grade de 9ème dan d’Aikibudo à Me Alain FLOQUET.

Ce grade avait en effet été validé par la CSDGE, dans sa session de début septembre 2019. Le comité directeur de la FFAAA-Aikibudo et les présidents des comités interdépartementaux d’Aikibudo présents, ont chaleureusement félicité Me FLOQUET.

Me Floquet a également reçu la palme d’or de la FFAAA.

1959 -2009 Un jubilé d’Aikibudo hors norme

A parcours exceptionnel, il fallait un événement exceptionnel. Trois jours ! Trois jours durant lesquels plus de 350 pratiquants d’Alkibudo se sont relayés lors des différents cours qui ont eu lieu les 8, 9 et 10 mai 2009 à l’Institut du Judo à Paris pour célébrer leur « sensei », comme ils ont coutume de l’appeler, et ses 50 années de ceinture noire. 1959-2009.

affiche du jubilé

Un jubilé, comme l’a rappelé Didier Ferrier, c’est d’abord un moment de joie à l’occasion d’un anniversaire. Et test un demi-siècle de vie consacré à la recherche et à la découverte du budo japonais qui fut l’occasion de ce joyeux rassemblement d’aïkibudoka, venus des quatre coins du monde : de France bien sûr, mais surtout de Tchéquie, de Suisse, d’Italie, du Portugal, de Lettonie, d’Ukraine, de Hollande, de Belgique, de Tunisie, du Maroc, de Russie, du Canada et même de Nouvelle- Calédonie !
Trois jours durant lesquels maître Alain Floquet et ses kodansha (les « anciens ») offrirent à tous un moment exceptionnel de pratique, de retrouvailles et de partage.

Alain Floquet et les stagiaires devant le kamiza

Un parcours hors du commun

Le 3 mars 1959, un jeune homme de 19 ans, Alain Floquet, élève de Jim Alcheik, reçoit son 1 er dan d’Aïkido-jujutsu du Yoseikan. Trois ans plus tard, suite à la disparition prématurée et tragique de son professeur, le jeune Alain Floquet, alors plus jeune 2ème dan de France, contacte le maître Minoru Mochizuki pour lui faire part de ses craintes d’explosion du groupe lui faire part de ses craintes d’explosion du groupe qui s’était construit autour de Jim Alcheik. Le maître Mochizuki propose alors la venue de son fils Hiroo pour prolonger durant quelque temps l’Œuvre initiée par Jim Alcheik.
Dès lors, l’Aikido du Yoseikan prend un essor considérable. En parallèle, l’Aikido de l’Aïkikai se développe également en France, notamment sous l’impulsion d’André Nocquet et de jeunes maitres venus du Japon. Ce petit monde se connaît, se côtoie, tente parfois de travailler ensemble malgré les différences et parfois les oppositions. Et parmi eux, le jeune Alain Floquet se distingue déjà par son talent, son charisme et ses qualités humaines. L’un de ses plus anciens élèves, Alain Roinel, aujourd’hui 7e dan, confia un jour qu’à cette époque, il y avait pléthore de jeunes pratiquants passionnés d’arts martiaux, soucieux de se faire une place, d’apprendre, de découvrir et de transmettre. Mais Alain Floquet avait quelque chose de plus, il portait en lui quelque chose d’inexplicable : une espèce de génie.
De même, l’un des anciens de l’Aïkibudo, André Tellier 6e dan, se plaît à raconter que lorsqu’il rencontra le jeune Alain Floquet à la fin des années 1960, il fut totalement subjugué, à l’occasion d’un passage de
grade, par son charisme, sa gentillesse, sa disponibilité et son sens de la pédagogie.
Dans tous les domaines des arts et de la connaissance. il est des individus qui sont doués ; mais il en est d’autres qui vont au-delà même du talent.
Ce sont des créateurs. Alain Floquet est de cette trempe. Dès le début, il exigea de ses pratiquants qu’ils soient des « budoka complets » , s’astreignant lui-même à une pratique quasi quotidienne de l’Aïkido Yoseikan, du Kendo, du Karaté. En 1970, il participa avec brio aux premiers championnats du monde de Kendo à Tokyo.
Grâce à sa rencontre avec le maître Minoru Mochizuki à partir des années 1970 et à la relation quasi filiale qu’ils entretinrent, il se dirigea peu à peu vers le budo traditionnel japonais, le Katori shintô ryu avec maître Sugino Yoshio puis le Daito ryu Aki-jujutsu avec maître Takeda Tokimune.
En parallèle, son expérience de terrain – et de formateur- dans la police lui permit d’avoir une approche pragmatique et réaliste du budo et une connaissance profonde du combat, tant dans sa dimension sportive que dans les situations difficiles ou à risques de sa vie professionnelle.
Ainsi, lorsqu’en 1980 maître Mochizuki demandera à maître Floquet, lors d’un cocktail organisé par l’UNA FFJDA, de renommer la discipline qu’il enseignait et avait fait évoluer, celui-ci choisit le terme d’ « Aïkibudo » art dont l’Aïkido-Jujutsu du Yoseikan est l’élément structurel fondamental. Maître Floquet reçut alors l’accord de tous les présents et surtout de maître Minoru Mochizuki, instant capital puisqu’il confirmait la reconnaissance accordée par le maître et donnait toute légitimité à son art et à son école.
De fait, l’Aïkibudo (tradition et évolution) n’est pas une « synthèse » construite sur un « mélange » de l’ensemble des enseignements dont Alain Floquet
avait bénéficié ; c’est véritablement le fruit d’une expérience multiple, d’une démarche particulière initiée dès 1974 au sein du CERA, dont découla un art spécifique, marqué par l’expérience et la personnalité de son initiateur.
Il y a peu de temps, il indiquait lors d’une interview : « Pour comprendre comment est né l’Aïkibudo, il faut comprendre que c’est l’histoire d’une vie, de circonstances et d’événements. Ce n’est en rien une compilation de différents arts martiaux. »
Lors du jubilé, Alain Floquet a souligné, comme il l’a toujours fait, l’importance de ceux qui l’ont accompagné dans sa démarche : les plus anciens qui diffusèrent son art en France et dans le monde, ceux qui l’accompagnèrent dans la découverte des écoles traditionnelles japonaises, ou encore ceux qui, de façon indispensable, l’aidèrent à faire vivre officiellement et administrativement sa pratique.
II faudrait bien plus que ces quelques pages pour décrire tout ce parcours et cette histoire, mais lorsqu’en 1990, le grand maître Yoshio Sugino lui remit à Bercy, au nom de maître Minoru Mochizuki et de la Fédération Internationale de Nihon Budo, le 8e dan d’Aïkibudo et le titre de hanshi- « homme modèle », c’est le parcours d’un homme exceptionnel et son école qui furent reconnus en tant que tels.

A Floquet et Sakai Kohe

Un art de vie

Le jubilé d’Alain Floquet a donc été l’occasion de marquer ce parcours hors du commun. Pendant trois jours, au sein de l’Institut du Judo, les stages se succédèrent, rassemblant un nombre impressionnant de pratiquants. Parfois l’espace manquait mais tous avaient le sentiment de vivre un moment d’une intensité exceptionnelle. Et chaque fois, le maître se montra  soucieux de rappeler les bases fondamentales de son enseignement. L’Aikibudo est un système cohérent physiquement et physiologiquement. Pas d’opposition, de tension, mais la recherche d’un mouvement réaliste parce qu’obéissant aux lois de la physique et de la mécanique corporelle. L’Aïkibudo est une sorte d’horlogerie et les partenaires fonctionnent comme des rouages qui s’entraînent l’un l’autre. Que ce soit dans la pratique à mains nues ou avec armes, c’est toujours cette cohérence vis-à-vis des lois physiques et physiologiques qui doit guider le pratiquant. Le travail va toujours dans le sens d’une recherche de perfectionnement où la violence et la brutalité s’effacent peu à peu face à la maîtrise des lois naturelles.
Et c’est peut-être là le plus grand génie de l’Aïkibudo ! Aïki et budo, deux termes a priori opposés : aïki, l’union des énergies, la force vitale et créatrice qui génère la vie ; budo, l’art martial, issu de la tradition guerrière dont le but premier était de tuer pour survivre. L’Alkibudo est l’union de deux forces que tout semble opposer. L’art de combat devient un art de paix et canalise nos pulsions premières, parfois destructrices, pour faire un outil de communication, d’échange, de partage et d’amitié.
C’est ce que rappela, non sans émotion, Frédéric, le fils d’Alain Floquet, lors d’une cérémonie officielle regroupant ceux qui, pour la plupart, accompagnent leur « senseï » depuis plus de vingt ans.
Cette cérémonie ou « commémoration martiale » a été officiellement ouverte par MM. Maxime Delhomme, président de la FFAAA, Didier Ferrier, président de la co-discipline Aïkibudo, à l’issue d’un tir cérémonial et traditionnel de Kyudo par maître Michel Martin. ElIe s’est déroulée sous forme d’un bref historique de la vie martiale de maître Floquet, ponctué par de nombreuses démonstrations de budo, aussi exceptionnelles les unes que les autres, sous l’œil vigilant des représentants des fédérations de budo japonais comme le Judo, le Karaté, le Kendo, le Kyudo, l’Aïkido, le Kinomichi. Un grand nombre d’experts tels qu’ André Bourreau et Lionel Grossain, tous deux 9e dan de Judo, maître Noro Masamichi, l’équipe de France de Karaté championne du monde kata 2008, représentant M. Francis Didier, président de la FFKA-MA, Guy Choplain, 6e dan Judo et bien d’autres, entourés de personnalités telles que M. Kobayashi, chef de cabinet de son Excellence l’ambassadeur du Japon, M. Nakagawa Masateru, président de la Maison du Japon, M. Sakai Kohé, magistrat 1er secrétaire de l’Ambassade du Japon, M. Claude Jalbert, fondateur CERA et FFAAA, M. Michel Chauveau, inspecteur Jeunesse & Sport, M. Raymond-Yves Cairaschi, représentant le CDOS, M. Claude Camus, président de I’Association Sportive de la Police de Paris, purent apprécier le portrait de maître Floquet, relaté par son fils Frédéric, qui sut avec humour, rendre cette heure et demie d’histoire on ne peut plus passionnante. Tous purent encore apprécier la magistrale Interprétation à la guitare classique de Sakura par M. Philippe Etienne, yudansha d’Aïkibudo du club de Grigny. La cérémonie fut conclue par un discours (en français !) de M. Prema Svoboda, président tchèque de la FIAB ainsi que d’un très touchant message d’amitié dicté par le cœur d’André Bourreau, ancien directeur de l’Ecole Nationale de Judo de l’INS représentant officiellement M. J.-L. Rougé, président de la fédération de Judo.

Didier Ferrier et Maxime Delhomme

L’Aïkibudo, plus qu’un groupe, une famille

À l’issue de cette cérémonie, plus de 350 personnes se retrouvèrent gaillardement pour fêter l’anniversaire du maître au clubhouse du stade Charléty. Ainsi, autour de grandes tables pleines de victuailles, de cotillons et de larges sourires, se sont retrouvés tous les élèves autour de leur maître, qui allait et venait entre toutes les langues et les cultures. C’est ensuite au premier étage du bâtiment, qu’au travers d’un chemin dessiné par ses élèves, maître Floquet souffla par dessus 18 gâteaux ses 50 bougies d’anniversaire ! Et comment ne pas avoir une pensée émue pour celle qui, depuis 1959, accompagne sans relâche son époux dans cette aventure… et oui, il fut offert à maître Floquet et son épouse un deuxième voyage de noces pour leurs 50 années de mariage!
À l’issue des trois jours, un dernier cours fut proposé pour les hauts gradés. Alain Floquet, visiblement inspiré par ces trois jours festifs, rappela aux anciens le sens de son message : l’amitié, la paix, le partage.
Quel que soit notre grade, il faut toujours pratiquer, chercher et progresser avec humilité : « Nous devons toujours retourner aux bases, aux fondements, à l’essentiel et accepter de redécouvrir, réapprendre chaque chose comme un simple débutant, quel que soit notre niveau ».
Ceux qui ont la chance de côtoyer Alain Floquet d’assez près savent qu’il est un homme simple, avec ses qualités, ses défauts et peut-être même ses failles, mais tellement humain. Rien de son parcours et de son expérience, pourtant exceptionnels, n’a altéré sa simplicité et son humanité, à l’instar de feu maître Takeda Tokimune qui, apprenant que le secrétaire de son dojo avait demandé à Alain Floquet et ses élèves de venir sur le tatami avec une ceinture blanche, arbora lui-même la tenue du débutant, saluant ainsi au même niveau ceux qu’il accueillait chez lui. C’est la même simplicité et la même gentillesse qui transpirent de ces trois jours et on ne peut que remercier son organisatrice Frédérika Plattner et son équipe d’organisateurs, Camille Linglin, Michel Serafin, Frédéric Floquet et Jean-Marc Epelbaum d’avoir orchestré si brillamment l’événement et de nous avoir permis de partager un moment si intense.

Masamichi Noro et son fils Takeharu avec Alain Roinel

Claude Jalbert

Ura No Kata : une histoire de renversement

Ura No Kata, n’est pas comme on l’entend souvent, un kata de contre. Maitre Alain floquet s’explique

Maitre, quelles sont les origines de Ura No Kata ?
Ura No Kata figurait dans le programme Aïkido-Jujutsu du Yoseïkan des années 60. Je ne peux pas dire s’il y figurait antérieurement car je n’ai jamais vu Jim Alcheik le pratiquer. C’est Hiroo Mochizuki qui avait introduit en France, en 1963, les premiers éléments de ce Kata qui, au Japon, était plutôt de style Judo. A partir de 1963, c’est ensemble que nous l’avons mis en forme, et c’est cette forme que j’ai préservée dans le programme Aïkibudo.
La forme quelque peu « Judo » de ce Kata était bien dans le style du maître Minoru Mochizuki. Je suppose que son objectif était, lors de sa création, la transmission d’un certain nombre de Kaeshi Wasa, ou tout au moins la transmission de l’idée du Kaeshi Wasa. En tout cas, c’est ainsi que je l’apprécie.

Littéralement, que signifie « ura No Kata », et pourquoi ne pas l’avoir nommé « Kaeshi No Kata » ?
Littéralement, « No Kata » signifie : « Le Kata de… » et ‘ ‘Ura » signifie: « revers ».
Cela ne veut pas dire grand-chose. Peut-être faudrait-il traduire ‘ ‘Ura » par « contraire », comme nous le faisions dans le passé, ou bien encore considérer « revers-Ura » par opposition à « avers-Omote », « face », le Kata des contraires. Ce qui sous-tendrait qu’il y ait toujours deux côtés, qu’une action ait son contraire.
Le nom actuellement employé au Yoseïkan de Shizuoka est « Hyori Ichi Jo No Kata », que je traduirais par « Ura-Omote, une seule et même chose ». Ce nom est, certes, plus complet que celui de « Ura No Kata » mais, cependant, pas plus explicite.
En fait, dans ce Kata, qu’est-ce que l’on pratique et démontre ? Des retournements ou renversements de situations. Il serait donc tout à fait logique de le nommer : « Kaeshi Wasa No Kata ». Mais tout comme la quasi-totalité du programme Aïkibudo, j’ai choisi de préserver le nom d’origine Yoseïkan, à priori par fidélité, reconnaissance et respect pour le Maître Minoru Mochizuki, puis, en second lieu, pour ne pas dérouter les anciens. Mais dans l’avenir, pourquoi pas…

Comment concevez-vous le Kaeshi Waza ?
Pour être précis, je dirais : « suite à la faiblesse de réalisation d’une technique qu’on lui porte, l’exécutant saisit l’opportunité que lui offre la dynamique des mouvements en cours pour renverser la situation, en enchaînant par le mouvement qu’il ressent comme étant le plus approprié à la circonstance ».
Je conçois le Kaeshi Wasa bien plus comme un concept, un principe (voire une méthode), que comme une technique, et, dans l’esprit de ce concept, le Kaeshi Wasa s’applique indifféremment aux deux parties en action, soit en renversement de l’action adverse sur la base de failles techniques (et non en contre), soit en renversement d’une situation d’échec, résultant, par exemple, d’une faute de déplacement, de placement ou de technique, en situation de réussite, par une nouvelle action effectuée dans le cours naturel de la dynamique des actions en cours, sans opposition.
Répétons que, dans l’esprit, il ne doit y avoir, en Kaeshi Wasa, ni opposition, ni blocage ou lutte. Cependant, le Kata, qui s’exécute dans la forme de la distance Chika Ma, doit exprimer la puissance au travers des saisies appliquées ou des techniques effectuées. Il n’y a pas contradiction car si la saisie est puissante, le Kaeshi Wasa est fluide.
Ces deux notions « puissance et fluidité », qui ne sont pas antinomiques, s’alternent tout au long du Kata dans les actions successives des deux partenaires. Chacun d’eux exécute tour à tour une saisie puissante et un dégagement fluide jusqu’à la projection de conclusion, le Kata Nage, qui est le dernier Kaeshi Wasa et le seul mouvement abouti de ce Kata.
Les exécutants doivent exprimer, dans leur présentation du Kata, beaucoup de Kime. Le maintien du Kime favorise celui de la concentration, du Zanshin, la vigilance.
Ce Kata a donc pour objet de fixer un certain nombre de Kaeshi Wasa et, au travers de ces quelques Kaeshi de base, de fixer, de préserver et d’enseigner le concept du Kaeshi ainsi que son principe d’application.
Dans ce Kata sont réunies certaines composantes de la pratique de base Aïkibudo : éducatifs, Te. Hodoki, techniques de premier dan et même Kata Nage du programme de quatrième dan.
J’ajouterai que, en plus de leur rôle de transmission des connaissances anciennes, ces Kata sont de précieux outils pédagogiques pour la pratique ordinaire, car ils mettent en œuvre des techniques courantes associées à des éléments fondamentaux de l’état d’esprit de la pratique martiale. En effet, cette pratique permet de lutter contre le laisser-aller qui résulte des habitudes de pratique en salle où, trop rapidement, le travail se vide d’engagement et perd de son sens martial, la forme de corps se relâche.

Ce Kata fait partie du programme du 4e dan (ndlr : désormais au 2ème dan ), néanmoins, pensez-vous qu’il puisse être enseigné 6 tous les niveaux ? Son enseignement ne doit-il pas être replacé dans la finalité de l’Aikibudo qui est de conserver l’unité et non pas d’amener une rupture dans l’échange, ce qui arrive lorsque l’on cherche « contrer » ?
Dès les débuts, il est enseigné qu’en Aïkibudo il n’y a ni opposition, ni contre, que la technique s’applique de manière systématique sur une attaque initiale et non dans un échange de coups ou dans une lutte d’opposition.
Une attaque = une technique de défense. Logiquement, si l’enseignement est correctement prodigué, dès les premières séances, l’élève est conduit sur le chemin de la canalisation des forces adverses.
D’ ailleurs, l’enseignement des Te Hodoki apportera la première expérience de cette voie où l’élève découvrira que l’opposition de force conduit à l’échec du dégagement.
Il n’y aurait donc pas d’impossibilité pédagogique majeure à enseigner le Kaeshi dans le programme du Ier dan.
Cependant, comme le Kaeshi Wasa est un outil de contrôle sur l’exécution de la technique, donc de maîtrise, il est stratégiquement et pédagogiquement normal, pour éviter qu’il soit détourné de son but, mal exploité, ou cause de confusion, de le réserver à l’usage des pratiquants expérimentés.

Ce Kata peut paraitre haché dans son expression parce qu’il y a des moments précis où l’on s’arrête afin de marquer une contrainte, qu’en pensez-vous ?
C’est vrai, mais c’est une impression visuelle due à l’image que projette Seme dans la fermeté de sa saisie qui va aller jusqu’au verrouillage. Cependant Nage n’est pas, en cet instant de saisie, physiologiquement à l’arrêt. Les éléments de son corps soumis à la saisie et à la force adverse se placent pour la déviation de celles-ci ; les jambes, les hanches, le Seika Tanden sont également en mouvement et concourent à la déviation.
Soulignons que Seme doit donner cette image de puissance et d’effort. Nage aussi devrait marquer cet instant où il reçoit la force adverse et ressent le contrôle articulaire de la prise.

Le Kata parait scindé en deux parties, est-ce exact ?
II y a effectivement une rupture de contact à un moment donné sur le dégagement de Do Gaeshi, mais ce n’est pas une rupture de Zanshin. S’il y a séparation physique, il y a une continuité mentale du Kata. La remise en œuvre, la reprise de contact se fait par l’intervention d’une autre attaque.
Par ailleurs, dans ce Kata l’énergie est mobilisée, à l’image de la houle marine, dans le corps ; temps forts et temps fluides se succèdent. On y exprime la force, la déviation de cette force, le mouvement de renversement de la force, mais sur le plan du film du déroulement mental du Kata, il n’y a pas d’arrêt.

Est-ce important de le réaliser en ligne ?
Non, il pourrait se faire autrement, mais il est classé dans les Kata en ligne. Dans cette forme, il oblige les partenaires à se repositionner à chaque mouvement de manière stricte et rigoureuse.

propos recueillis par Marie-José Mallet (lettre du CERA n°20 – 1998, semestre 1